Du lourd poids de la culpabilité

Il y a quelques jours j’ai fini de lire « Un amour vintage » d’Isabel Wolff.

Un amour
Ce livre n’était pas dans ma wishlist, je n’avais d’ailleurs jamais eu vent de l’auteure, mais je l’ai croisé par hasard en faisant mes courses et son résumé m’a convaincu de tenter l’aventure.

Le résumé en question: « Phoebe s’est enfin lancée ! La voilà heureuse propriétaire d’une boutique de vêtements vintage. Des sacs dont les poches renferment des secrets, des accessoires de stars, des robes acidulées qui feraient sourire n’importe qui ! Phoebe en a bien besoin : elle vient de perdre sa meilleure amie et de rompre ses fiançailles. Entre la joie d’avoir réussi son projet et ses déboires personnels, son cœur balance.
Jusqu’à sa rencontre avec Thérèse, une Française qui lui confie l’histoire de son mystérieux manteau bleu. Entre les deux femmes, se tisse peu à peu une amitié faite de connivences et de ressemblances troublantes…« 

La couverture à elle seule aurait dû me faire fuir, tout comme le fait qu’il s’agisse de « chick lit », mais il m’en faut heureusement plus pour passer mon chemin. Et après avoir lu ce roman je peux maintenant dire que j’ai bien fait de le mettre dans mon caddy.

Isabel Wolff a une écriture très agréable, à la fois légère et moderne, et a le mérite de ne jamais verser dans la mièvrerie et d’éviter assez habilement les clichés habituels du genre.
Elle nous conte ici l’histoire de Phoebe, jeune trentenaire fan de mode vintage, qui, après avoir bossé une dizaine d’années pour la célébrissime salle de vente Sotheby’s, s’est enfin décidée à voler de ses propres ailes et à ouvrir sa boutique de mode.
Ce nouveau départ dans sa vie intervient quelques mois après un triste évènement dont elle ne s’est toujours pas remise: Emma, sa meilleure amie depuis l’enfance – et modiste talentueuse, est décédée seule dans son appartement et, bien qu’elle n’y soit objectivement pour rien, elle ne peut s’empêcher de se sentir coupable et traîne désormais cet horrible sentiment avec elle.
Dans sa quête de rédemption et de renouveau, elle fait la connaissance d’Annie, une apprentie actrice qui court après les castings et qui deviendra son alliée au sein de sa boutique, de Dan, un journaliste débutant et maladroit au grand cœur, de Miles, un homme d’affaire charmant, veuf et entièrement dédié à sa capricieuse de fille, et de Thérèse, une française installée en Angleterre depuis les années 40 pour qui la culpabilité n’a plus aucun secret. Elle partage aussi l’histoire de ses clients le temps de leur passage à « Vintage Village », auxquels elle vend parfois bien plus qu’un simple vêtement, et se retrouve au milieu de la difficile rupture de ses parents ( qui a fragilisé sa mère et catapulté son père dans l’inconnu ).
Tous vont jouer un rôle dans sa nouvelle vie, chacun à leur façon, et vont peu à peu lui permettre d’en finir avec le passé et de panser ses blessures.

Sous couvert d’une légèreté annoncée et assumée, Isabel Wolff traite dans ce roman de sujets sérieux: l’amitié bien sûr, l’amour, la rupture, la vieillesse, la culpabilité, le poids du passé, l’importance de dire les choses, le pardon…
Elle nous embarque dans son histoire dés les premières pages en éveillant notre curiosité quant au passé du personnage principal ( elle en dit juste assez pour qu’on ait envie d’en savoir plus ) et on dévore les paragraphes sans même s’en rendre compte.
Sa très bonne idée est d’avoir inséré un second récit dans le récit principal. Elle met en effet en abyme l’histoire de Phoebe et celle de Thérèse, qui partagent toutes les deux les mêmes regrets et les mêmes blessures. L’une renforce l’autre, donnant plus de poids au texte, plus de profondeur aussi. C’est clairement la grande réussite de ce roman, d’autant plus qu’elle permet d’évoquer d’un façon intelligente et émouvante une période sombre de l’Histoire: la seconde guerre mondiale.On s’attache de ce fait facilement à Phoebe, pour laquelle on éprouve une certaine compassion, et on suit avec plaisir son cheminement dans sa nouvelle vie. On est heureux qu’elle vive une histoire d’amour, même si je n’ai ressentie aucune tendresse pour l’homme sur lequel elle jette son dévolu – Miles, et on se réjouit du succès que rencontre sa boutique, notamment grâce à l’article publié par Dan dans son journal.
Les ( courtes ) descriptions de vêtements vintage et les noms de créateurs se succèdent au fil des pages, pour le plaisir des amateurs du genre ( ce n’est pas mon cas mais ça ne m’a pas gênée pour autant ), de même que les rencontres avec les clients de la boutique. Hommes ou femmes, ils entrent en quête d’un habit, souvent pour une occasion précise, et se délestent d’un peu d’eux-même durant leurs essayages. Qui cherche une robe qui puisse lui redonner le moral après son énième échec dans sa course à la procréation, qui veut faire un cadeau à sa femme pour raviver la flamme, qui encore a besoin d’une robe pour le bal qui va marquer son adolescence… Chacun apporte sa petite part d’humanité au récit et, personnellement, cet aspect du livre m’a beaucoup plu ( je l’imagine d’ailleurs très bien adapté en série ).

Mon seul regret concerne la fin du roman, que j’ai trouvé trop courte ( à peine quelques pages ), limite bâclée. Elle arrive un peu comme un cheveu sur la soupe, on s’y perd d’ailleurs dans les repères chronologiques, et ne correspond pas vraiment au reste du récit.
Je regrette aussi que le personnage de Dan n’ait pas été plus et mieux exploité. Il est attachant mais sa présence dans l’histoire est plus anecdotique qu’autre chose et c’est dommage. Il y avait, à mon avis, matière à creuser.

« Un amour vintage » a donc été une bonne surprise et m’a, en partie, réconciliée avec la littérature féminine ( bien que je ne crois absolument pas à ce concept – que je trouve on ne peut plus insultant d’ailleurs ).
Si vous avez envie passer un bon moment, léger mais avec tout de même une certaine profondeur, en compagnie de personnages attachants: tentez le coup!

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9 commentaires sur “Du lourd poids de la culpabilité

  1. Je l’ai lu et j’avais bien aimé (mon premier de cette auteure). Depuis, j’en ai découvert d’autres mais celui-ci reste dans ma mémoire avec un petit plus… C’est léger, c’est une romance délicate qui fait passer un agréable moment.

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  2. J’ai le même avis que toi, vis à vis du concept de la littérature féminine – c’est un peu insultant/réducteur, même si je comprends ce qu’ils entendent par là… m’enfin !
    C’est vrai que la couverture ne donne vraiment pas envie de s’y lancer, mais apparemment, ce fut une bonne surprise, et comme je te fais confiance, si j’ai l’occasion de le lire, je le ferai. De la légèreté est toujours nécessaire !

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    1. En effet, surtout par les temps qui courent…
      Les autres titres d’Isabel Wolff ne m’attirent pas du tout, donc on dirait que j’ai tiré le bon numéro avec celui-là ( que j’ai vu qualifié de « chick lit élaborée » dans un article – et dont le dernier roman de l’auteure est, d’après ce que j’ai lu, une pâle copie ).

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