D’un vil commerce

J’ai fini de lire « Belle Époque » de Elizabeth Ross.

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Titre: « Belle Époque »

Auteure: Elizabeth Ross

Éditeur: Robert Laffont ( collection R )

Style: fiction historique

Nombre de pages: 432

Résumé: Paris, 1889. Maude Pichon s’enfuit à 16 ans de sa Bretagne natale pour échapper à un mariage forcé et découvre Paris, ville-lumière en ébullition à la veille de l’Exposition universelle. Hélas, ses illusions romantiques s’y évanouissent aussi vite que ses maigres économies. Elle est désespérément à la recherche d’un emploi quand elle tombe sur une petite annonce inhabituelle :
[On demande
Des jeunes femmes pour faire un ouvrage facile.
Bienséance respectée.
Présentez-vous en personne à l’agence Durandeau, 27, avenue de l’Opéra, Paris.]

L’agence Durandeau propose en effet à ses clients un service unique en son genre : le faire-valoir. Étranglée par la misère, Maude postule…

Mon avis:

Pour écrire « Belle Époque », Elizabeth Ross s’est librement inspirée d’une nouvelle peu connue de Zola: « Les Repoussoirs ». Ce court récit ( reproduit à la fin du roman de l’auteure ) présente un commerce d’un nouveau genre mis en place par un certain Mr Durandeau. Fort de sa connaissance de la société parisienne et fin observateur, ce dernier a en effet eu l’idée de faire de la laideur une marchandise.
Elizabeth Ross reprend cette idée de base ( et le personnage de Durandeau ) et la développe pour donner une voix à l’un de ces repoussoirs et imaginer ses motivations et son ressenti au cours de cette expérience si particulière. On suit donc Maud Pichon, 16 ans, récemment arrivée à Paris après avoir quitté sa Bretagne natale et son père afin de tenter sa chance et d’échapper à un mariage arrangé peu reluisant. Survivant difficilement grâce à un emploi de blanchisseuse payé au lance-pierre, elle finit par succomber à la sécurité que lui offre l’agence Durandeau grâce au poste de repoussoir.
Chargée de servir de faire-valoir à une jeune fille de l’aristocratie qui fait ses débuts, elle ne tarde pas à découvrir la face cachée de ce monde si éloignée de celui dans lequel elle a grandi tout en se liant d’amitié avec celle qu’elle doit faire briller ( contrairement aux règles strictes de l’agence ). Entre fascination, espoir et désillusion, elle remplit son rôle du mieux possible en essayant de ne pas se perdre dans les lumières d’un univers qui l’attire mais auquel elle n’appartient pas.

« Belle Époque », tout comme la nouvelle de Zola, met en lumière le Paris de la fin du XIXe siècle et, plus particulièrement, les travers d’une frange richissime de la population. Il est évident qu’un commerce basé sur la laideur, et en l’occurrence sur le fait de se mettre en valeur en se servant de la laideur d’autrui comme d’un simple accessoire de beauté, ne peut exister que s’il y a des gens prêts à l’alimenter. Et c’est bien cette réflexion sur la place de la beauté dans la société qui est si moderne dans ce récit et, malheureusement, encore tant d’actualité. Un physique avantageux a de tout temps été un atout pour les femmes afin d’être considérées, une chance pour elles d’emprunter l’ascenseur social en faisant un bon mariage et une marchandise à troquer contre une existence plus confortable ( les hommes étant très souvent à l’origine des transactions ). C’est encore le cas aujourd’hui malgré la forte progression du courant body positive qui tend à mettre en valeur la diversité des apparences.
Le propos de base est donc intéressant et propice à la réflexion, mais je dois avouer que j’ai été quelque peu déçue par la forme du roman. L’écriture d’Elizabeth Ross est agréable mais un peu trop simple à mon goût et je déplore son utilisation poussive d’expressions de langage typiques de l’époque concernée ( surtout en début de roman ). A côté de ça le livre est distrayant, la retranscription de l’ambiance du Paris de la fin du XIXe siècle plutôt réussie, et Maud est un personnage attachant dans sa lutte pour une vie meilleure. C’était donc une lecture sympathique mais pas inoubliable ( mais qui a cependant eu le mérite de me faire découvrir la nouvelle de Zola ).

 

 

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