De fatales espérances

Hier j’ai fini de lire « Madame Bovary » de Gustave Flaubert.

Madame B

Il faisait partie de ces grands classiques dont j’avais maintes fois entendu parler sans pour autant les avoir lus. C’est désormais chose faite.

Le résumé: « Depuis 150 ans, cette pauvre Emma Bovary souffre et pleure dans cent, dans mille villages et villes de France. Parce qu’elle ne sait pas vivre, ni aimer, elle rêve ses amours et sa vie. Et cependant elle est belle, sensuelle, audacieuse. Mais une imagination déréglée, l’exaltation romanesque, un époux médiocre et obtus, l’absurde goût du luxe et des amants méprisables vont l’entraîner dans la ruine et une mort affreuse. Pour diriger cet  » orchestre des instincts et des sentiments féminins « , qu’est selon lui Madame Bovary, Flaubert souffre mort et passion, à la fois grand prêtre et martyr de l’art, du style et de la beauté. Mais derrière la perfection du chef-d’œuvre apparaissent la crudité, la violence et l’érotisme, comme dans un roman d’aujourd’hui. » 

Comme beaucoup de jeunes femmes à l’époque ( au XIXe siècle ), Emma Bovary a été éduquée au sein d’un couvent jusqu’à la fin de son adolescence. Vivant au rythme des prières et des leçons dispensées par les sœurs, protégée dans ce cocon loin de toutes les vicissitudes de la vie, elle n’a trouvé d’autre refuge pour s’évader que les charmes de la religion et le romantisme exacerbée des romans pour dames.
Lorsqu’elle quitte enfin le couvent pour rejoindre la demeure familiale, dans la campagne normande, l’idée qu’un grand amour l’attend quelque part, à l’image de l’ardente ferveur des nonnes et des histoires d’amour qui peuplaient ses lectures, ne la quitte plus. Elle se rêve en amoureuse transie, en amante passionnée, avec à ses côté un homme de qualité, digne de ses sentiments et capable de donner un sens à sa vie.
De son côté, Charles Bovary a été un élève passable, pas vraiment à sa place au milieu de ses camarades que sa taille et son air de paysan mal dégrossi ont toujours tenus à distance. Devenu un médecin médiocre, il est poussé par sa mère à épouser une veuve prétendument riche.
Tous deux se rencontrent alors que Charles est appelé au chevet du père d’Emma, Monsieur Rouault, qui s’est brisé la jambe. Le médecin, appliqué, fait forte impression auprès du malade et s’en retourne charmé par la beauté et l’allure de sa fille. Finalement libéré de son mariage sans amour par la mort de sa femme, qui le laisse en fait sans le sous, il retourne avec joie auprès d’Emma et de son père. Ce dernier, qui ayant bien compris l’intérêt que Charles porte à sa fille, le pousse à se déclarer et la noce est rapidement organisée et les jeunes mariés partent s’installer dans un petit village.Emma touche enfin du doigt ce à quoi elle a toujours rêvé mais, devant le vide de sa vie conjugale et la platitude de la personnalité de son mari, déchante rapidement. Rien n’éveille de passion en elle et elle aspire plus que jamais à une histoire d’amour qui la ferait vibrer, grâce à laquelle elle se sentirait enfin vivante.

« Madame Bovary » est l’histoire d’un désenchantement, d’une profonde désillusion.
C’est le récit d’une femme qui, par de trop grandes espérances, a fait de sa vie une tragédie.
Emma, qui a grandit loin de tout, dans une ambiance de profonde ferveur, s’est nourrie des grandes passions littéraires qui ont croisé sa route et, une fois rendue à la ( vraie ) vie, s’est naïvement attendue à ce que son existence y ressemble trait pour trait. Désireuse d’expérimenter le meilleur, notamment sur le plan amoureux, elle s’est malheureusement rapidement confrontée au manque de sel du quotidien d’épouse d’un homme sans envergure qui était, dans la précipitation, devenu le sien.
Comment faire face à une telle déception? Comment trouver un quelconque intérêt à vivre quand tout autour de soi respire la médiocrité et l’ennui?
Emma qui, bien loin de partager le goût de Charles pour les petites joies de la vie à deux et totalement incapable de se satisfaire de sa situation, a pensé à tort trouver la solution en se jetant à corps perdu dans une aventure, puis une autre, rêvant à chaque fois que ce soit la bonne, et s’est finalement perdue dans des désirs sans fin.

La plume de Flaubert, sublime de style, de précision et de ( cruel ) réalisme, se fait sans concessions pour décrire les sentiments, les attentes et les travers de cette femme qui n’a jamais su accepter la destinée qui était la sienne. Son personnage principal m’a sensiblement fait pensé à celui de Maupassant dans « Une vie », Jeanne, qui partage les mêmes aspirations et se confronte également douloureusement à la réalité.
Toutes deux inspirent au lecteur aussi bien l’envie de compatir à leurs déboires que la condamnation de leur trop grande candeur, leur incessant mécontentement et, particulièrement pour Emma, la dénonciation de leurs choix irréfléchis et égoïstes. On peut en effet les accuser d’avoir confondu rêve et réalité et de s’être complu dans cette illusion, mais elles n’en sont qu’en partie responsables, n’ayant pas choisi de se construire loin du monde et de sa dure réalité. Nombre de jeunes femmes ont dû à l’époque, comme elles, sévèrement déchanter en découvrant que la vie d’épouse et de femme au foyer n’avait rien d’un conte de fée.

 

12 commentaires sur “De fatales espérances

  1. Mme Bovary m’avait laissé un goût amer lorsque je l’ai refermé…Jamais satisfaite, elle pousse son mari dans des retranchements qui lui font faire des fautes graves, le trompe allègrement… Bref, sa vie est gâchée dans tous les sens du terme. Comme tu le dis, cela a du être le lot de biend es demoiselles de l’époque. Triste…

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    1. Il est assez difficile de la plaindre en effet, notamment parce qu’elle s’acharne dans ses erreurs, mais comme je le disais elle a quelques circonstances atténuantes ( en dehors de son caractère d’enfant gâtée pourrie bien sûr ^^ ). Elle ne connaissait rien de la vie quand elle s’est mariée et elle a reçu la réalité en plein visage, ça ne doit pas être évident…
      Aujourd’hui, en France, les jeunes filles sont heureusement éduquées pour devenir des femmes accomplies, pas juste de bonnes épouses bien sages.

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      1. Je suis d’accord pour dire que la société ne préparait pas vraiment les jeunes filles à la réalité… et dans son cas, elle a en plus eu la malchance d’épouser ce benêt de Bovary (Pauvre gars, vraiment!). L’histoire d’une ambition cloitrée à la campagne…

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        1. Pauvre gars oui, mais pas méchant pour un sou et persuadé que sa femme partageait son bonheur.
          En ce qui me concerne, je ne comprends pas pourquoi elle l’a épousé. Rien ne l’empêchait d’attendre un meilleur parti, quelqu’un qui aurait mieux correspondu à ses attentes et dont elle serait tombée vraiment amoureuse. Là elle s’est mise toute seule dans le pétrin ( avec l’aide de son père ).

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  2. J’ai dû le lire lorsque j’étais au lycée, ta chronique est très juste et tu soulignes ce qu’il faut. J’ai de mon côté eu énormément de mal avec ce roman car, je ne sais pas pourquoi, j’ai extrêmement de mal avec Flaubert ! J’ai lu plusieurs de ses oeuvres toujours avec la même peine, mais ça c’est une affaire de goût je pense ^^

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