D’être une femme

J’ai lu « Attachement féroce » de Vivian Gornick.

p1010819

J’ai reçu ce livre dans le cadre de la dernière Masse Critique organisée par Babelio.

Le résumé: « Icône du journalisme en Amérique, Vivian Gornick a surtout connu le succès en Amérique avec ses textes autobiographiques. Le plus « culte » , Attachement féroce, publié en 1987, paraît pour la première fois en français. Dans la lignée de L’Année de la pensée magique de Didion ou de Pourquoi être heureux quand on peut être normal ? de Jeanette Winterson, Gornick s’empare d’un sujet universel : les relations mère-fille. Dès les premières pages, on tombe sous le charme de cette mère puissante et terrible. Vivian raconte l’amour fou qui les lie et leurs marches dans la ville. Elles arpentent New York et leur vie, avec une lucidité qui frappe en plein cœur.« 

« Attachement féroce » est un livre autobiographique aux airs de journal intime, dont le fil rouge est la relation riche mais compliquée entre l’auteure et sa mère.
Dans une atmosphère très personnelle sans pour autant être trop intimiste, Vivian Gornick délivre ses souvenirs tels qu’ils lui reviennent en mémoire, avec un ordre chronologique parfois bouleversé, émaillant son discours du récit de ses déambulations rituelles dans les rues de New York avec celle qu’elle aime sans pouvoir s’empêcher de la détester.

La figure de la mère est bien évidemment au centre du livre. Celle de l’auteure est un personnage singulier: immigrée juive, communiste convaincue, elle parle un anglais impeccable ( ce qui lui vaut le respect de ses pairs ), est une femme au foyer insatisfaite mais folle amoureuse de son mari, a un avis sur tout et tout le monde et ne se gêne pas pour le donner en étant persuadée d’être dans le vrai ( et ne prend du coup pas en compte l’avis d’autrui ou le rejette systématiquement ), elle rêve d’une vie hors de son appartement mais se retrouve finalement perdue et profondément déstabilisée le jour où elle doit partir en quête d’un travail… Elle est une somme de contradictions à elle seule et occupe une place immense au sein de sa famille et de son entourage, laissant peu de place à sa fille et à ses proches pour exister.
Vivian Gornick décrypte leur relation d’une façon particulièrement juste et incisive et, malgré la difficulté qu’elle a eu à vivre aux côtés de cette mère envahissante et par moments terriblement castratrice, elle rend hommage à la femme unique qu’elle était, imposante et intelligente.
A travers elle et en esquissant le portrait des autres femmes de sa vie ( sa tante, sa voisine de palier… ), c’est également aux femmes en général que son hommage s’adresse, à leur complexité et leur unicité, à leurs forces et leurs faiblesses, à leurs combats quotidiens. Et en distillant ses souvenirs de jeune fille, d’adolescente pleine de questionnements et de femme mariée et/ou amoureuse incertaine, c’est l’histoire de toutes les femmes qu’elle raconte, ce long chemin semé d’embûches qu’elles doivent parcourir pour se construire.
Elle confie le piège que cela peut représenter de vouloir vivre ses propres expériences en allant contre l’avis de sa mère ( qui est malgré tout un repère ), le rapport au corps, à la sexualité et aux hommes, l’importance de la culture et des études, les introspections sans fin à la recherche du bonheur ou, tout au moins, d’un certain équilibre…

En contant les longues marches qu’elle et sa mère ont l’habitude de faire dans les rues de New York, Vivan Gornick dit l’amour qu’elle voue à sa ville et, particulièrement, à son identité cosmopolite. Elle la décrit comme une ville bouillonnante, riche, profondément humaine et, à l’image de ses habitants, aux visages multiples.
Son histoire de fille d’immigrés ayant grandi dans un quartier populaire ( pauvre même ) de la Grande Pomme est celle de millions d’autres new-yorkais, profondément liés à leur communauté tout en s’ouvrant à la modernité, fiers de leur identité unique.
Elle raconte avec beaucoup de bienveillance et de tendresse la vie dans un immeuble modeste, sa famille à la même enseigne que toutes les autres, le lien étroit entre les femmes qui s’entraident mais savent aussi se critiquer et se juger, la position centrale de sa mère au sein du groupe, le modèle féminin qu’a représenté sa voisine Nettie, l’influence durable qu’elle a eu sur sa vie de femme et d’amante, et, finalement, la façon dont elle s’est peu à peu extraite de cette existence en vase clos sans pourtant jamais vraiment s’en défaire.

L’attachement du titre est donc multiple et, dans tous les cas, viscéral, et la plume précise et franche de Vivian Gornick – révélatrice de son intelligence et de son érudition – en dresse objectivement les contours ( elle n’est jamais complaisante envers elle-même ou les autres ).
Je ne connaissais absolument pas cette auteure, journaliste et féministe convaincue avant de lire cet ouvrage, et je dois avouer que j’ai aimé faire sa connaissance, celle de sa mère aussi, et arpenter avec elles les rues de leur ville chérie. J’ai été touchée par ses souvenirs, notamment ceux consacrés à sa vie de femme amoureuse, je me suis presque sentie chez moi dans cet immeuble vivant du Bronx, et j’ai tourné les pages avec empressement.
C’est en plus un livre qui se lit vite donc je ne peux que vous conseiller d’en faire la découverte par vous-mêmes.

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