D’une inéluctable dérive des sens

Avant-hier j’ai fini de lire « Le Horla » de Guy de Maupassant.

Le Horla

Le résumé: « Invisible, indéfinissable, malfaisante, la « chose » rôde autour de lui. L’homme est pris de fièvres, d’insomnies, de cauchemars. L’eau de sa carafe disparaît, la tige d’une rose se brise sous ses yeux, les pages de son livre tournent d’elles-mêmes. À l’angoisse succèdent la peur puis l’épouvante. Qui est cet Autre qui maintenant crie son nom, « le Horla » ? « C’est lui, qui me hante !
Il est en moi, il devient mon âme ; je le tuerai ! »

Le thème de la folie court comme un motif effrayant chez Maupassant. Mais Le Horla, journal d’un fou, demeure l’œuvre d’un artiste au sommet de son art, une des plus troublantes de la littérature fantastique. »

« Le Horla », courte mais célébrissime nouvelle de Maupassant, fait partie de ces classiques dont j’ai toujours entendu parler mais que je n’avais pas encore lus. C’est désormais chose faite.

Sur ces quelques dizaines de pages, l’auteur nous conte la dérive d’un homme qui, alors que tout allait bien dans sa vie, est soudainement pris d’une incontrôlable terreur et plonge dans la folie.
Le récit s’étend sur quelques semaines, tout au plus quelques mois, et se présente sous la forme d’un journal intime tenu par le personnage principal ( dont on ignore le nom ).
L’homme, qui vit seul, sent peu à peu monter en lui un malaise, une tension, qui l’assaille dés que la nuit tombe et le tient souvent éveillé. Sa santé décline et il observe bientôt d’étranges phénomènes dans sa chambre, dont la disparition d’eau dans une carafe, et se rend à l’évidence: une présence cohabite avec lui dans sa maison et le menace. Il se met donc en tête de l’observer afin de parvenir à la piéger et, finalement, la détruire.

Dans un premier temps, en parcourant les premières pages du livre, le lecteur se pense face à un classique récit fantastique. Le personnage principal semble faire face à un problème de hantise et la présence qu’il affronte ne paraît être rien d’autre qu’un simple fantôme ou esprit errant. Cependant, au fur et à mesure que le récit avance, le doute s’installe et l’idée que l’homme puisse être en proie à la folie se fait jour. Ses moments d’écriture dans son journal semblent en effet correspondre à des instants de lucidité, durant lesquels il est capable de décrire ses symptômes sans pour autant être pleinement conscient du mal qui le ronge, et le combat qu’il livre contre cette énigmatique présence ressemble à une lutte menée entre lui-même et son esprit malade.
La tension monte tout au long de l’histoire et atteint son paroxysme lors de la chute qui, par l’horreur de l’acte qu’elle décrit, confirme l’hypothèse d’un important trouble mental.

Comme toujours, l’écriture de Maupassant est incroyablement efficace et précise. Personnellement je ne m’en lasse pas. Les mots choisis, les tournures de phrases, les effets de style, les descriptions presque poétiques… c’est un pur bonheur!
Et pour ce récit, la frayeur qui habite le personnage est particulièrement bien rendue et, par effet miroir, transférée au lecteur qui, page après page et le cœur battant, frémit au rythme des révélations qui lui sont faites.
Le thème de la folie abordé par l’auteur est évidemment à mettre en parallèle avec sa propre vie et, à la fin de celle-ci, sa propre expérience des troubles mentaux. Maupassant a en effet souffert de la syphilis et a enduré pendant plusieurs années les atteintes « nerveuses » de la maladie. Il maîtrisait donc parfaitement son sujet et son récit n’en n’est que plus authentique et prenant.
L’aspect fantastique de la nouvelle permet cependant de mieux toucher du doigt la terreur ressentie par le personnage principal. Difficile en effet de rester de marbre à l’idée que la présence évoquée soit bel et bien un esprit aux intentions malveillantes. On se met sans peine à la place de cet homme dont les habitudes rassurantes du quotidien et les certitudes volent en éclat, et qui cherche dans les avancées de la science et de la médecine des réponses tangibles à ce qu’il vit.

En un mot donc: intense!
Et je ne peux que vous le conseiller s’il vous est encore étranger, c’est clairement un incontournable de la littérature.

14 commentaires sur “D’une inéluctable dérive des sens

    1. Oui, ça ne m’étonne pas, beaucoup de livres que l’on nous fait lire au collège ( ou même au lycée ) nécessiteraient que l’on s’y replonge une fois adulte. Je pense moi aussi être passée à côté d’une bonne partie d’entre eux 😉

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  1. Je ne crois pas avoir déjà lu Maupassant mais j’ai l’impression que ça pourrait me plaire. Je range l’idée dans un coin de ma tête, merci 🙂

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    1. Non seulement c’est bien écrit mais en plus ça se lit extrêmement vite ( la nouvelle en elle-même fait une soixantaine de pages ), en une heure c’est plié! ^^

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